Il y a beaucoup de choses place Rittenhouse, par exemple : un parc, un café, trois bistros, une fontaine, un hôtel, une libraire, un arrêt d’autobus, un grand magasin qui s’appelle « Barney », des arbres, des fleurs roses, des fleurs violettes, une banque, un parking, une salle de concert, un vendeur d’Hot Dog et bien d’autres choses encore.
Mon propos dans les pages qui suivent a plutôt été de noter et décrire les choses en plein air. Les choses qu’on témoigne et qu’on voit à chaque instant, ce qui n’ont aucune importance. Les images qui nous passent et n’attirent pas d’attention. Décrire, observer et remarquer juste pour le faire. D’être attentive à ce qui se passe, ce qui existe et ce qui change sinon du temps, des arbres, des nuages, des taxis, des voitures, des déchets et des gens.
1
La date : 17 Avril 2019
L’heure : 12h 35
Le lieu : Parc Rittenhouse
Le temps : Soleil. Chaud. Ciel bleu.
Esquisse d’un inventaire de quelques-unes des choses strictement visibles :
- De la terre : du gravier
- Des arbres (feuillus, fleurs, buissons, herbe)
- Des êtres humains (adultes, adolescents, enfants)
- Des animaux (chiens, écureuils, pigeons, oiseaux)
- De la pierre : la bordure des trottoirs, une fontaine, un hôtel, une église
- Des symboles conventionnels : le « P » des parkings
- Des chiffres : plaque du n°19 de la rue du Walnut Street
Je m’assis sur un banc de parc. Un couple est assis à côté de moi. Ils ont un chien. Des enfants courent à travers le parc avec la nounou qui les suive. Un homme avec des écouteurs parle sur son portable.
Une affiche à l’extérieur du parc présente le marché du samedi qui aura lieu.
Un homme en surpoids me passe en portant un jersey de Philadelphia. Il respire lourdement.
Une jeune mère essaie de faire poser ses enfants avec difficulté pour une photo. Aucune eau ne jaillit de la fontaine. Il y a beaucoup de bancs qui m’entourent. J’essaie de compter combien de bancs existent dans le parc. Je pense qu’il y a plus de vingt, mais la moitié sont vides.
C’est l’heure du déjeuner. On quitte le boulot pendant cette heure pour reposer et manger. Beaucoup de gens ont une main occupée : ils tiennent un sandwich, un café, une bouteille d’eau. On parle avec des collègues. On parle de rien.
Une femme est assise seule sur un banc. Est ce qu’elle attend quelqu’un ?
Couleurs : vert (arbres, t-shirt, feuille)
cheveux blond
sac noir
casquette rouge
ciel bleu
Au milieu de rue un fou commence à chanter.
Pause.
2
La date : 17 avril 2019
L’heure : 14h 10
Le lieu : Café de Joe (à côté du parc)
Des grands bâtiments encerclent l’action, les évènements, les actes, les mots partagés. Tout se passe autour d’un petit parc.
Plein de mouvement. Mouvement des lèvres, des véhicules, des pieds, des services publics, des vélos, des mains.
Modes de parler : en silence, avec des gestes, sans gestes, avec un rire, sans émotions, avec trop d’émotions, à deux, à trois, au téléphone, à plusieurs, tout seul.
Modes de vêtements : un costume, un mat de yoga, des sweats, des tatous, des gros bijoux, des coiffures rasées, des coiffeurs gélifiés, et des coiffeurs teintes.
Modes d’architecture : moderne, vieux, sale, laid, avec des sculptures, avec de petites fenêtres et avec de grandes fenêtres.
Modes de locomotion : marcher, errer, en voiture, en taxi de Philadelphia, en taxi de Germantown, à vélo. Taxi numéro P-1775. Taxi numéro P-1874.
Le numéro sur la porte du taxi est 215- 666-6666.
Un 12 passe (le Septa qui va à 50 Woodland).
Un camion blanc passe, des vélos reste sur un support à vélo.
L’autobus « Circa Centre » passe.
Un arbre avec des feuilles violettes se balance dans le vent.
Des voitures s’engouffrent vers le panneau d’arrêt. Il y a trop de bruit.
Un jeune homme tient un sac en plastique rempli de raisins.
Une femme enceinte s’arrête pour regarder la vitrine de Barney. Les vêtements d’été sont affichés.
Un camion de construction passe.
Un vieil homme s’arrête une second pour dire bonjour au petit chien qui couche près de moi.
Un clochard attire les pigeons avec des miettes.
Au milieu de la rue, un homme hèle un taxi. Le taxi arrête et il entre.
Une vielle femme arrête une jeune femme pour demander des directions.
Près de la poubelle quelqu’un jette son café fini.
Les pigeons font un tour. Leurs actions sont synchroniques. Ce qui déclenche ce mouvement ? Où est le stimulus ? Où est la motivation de changer la place ?
J’ai envie de quitter le café. J’ai envie de changer l’atmosphère.
Il est trois heures.
Pause.
3
La date : 19 Avril 2019
L’heure : 15h 55
Le lieu : Parc (café à côté du Parc de Rittenhouse)
Le temps : Gris, humide, déprimant.
Par rapport à l’autre jour, qu’y a-t-il de changé ? Au premier abord, c’est gris et mouillé. Le ciel est plus nuageux. On ne voit pas d’écureuils, mais il y a de petits oiseaux. Il y a un chien brun avec le couple qui assoient dans le table à ma gauche. Je touche le chien (il est doux).
Je me demande si je souviendrais quelques gens qui m’avaient passé l’autre jour. Si les voitures sont les mêmes ? S’ils sont les mêmes pigeons ?
Je me suis assis à une position différente, mais plein de choses n’ont pas changés. Est-ce que quelqu’un me souvient de l’autre jour ?
La pluie commence lentement. Le soleil s’est caché.
J’ai commandé un jus d’orange et des frites. Du pain est aussi arrivé avec du beurre. Deux hommes espagnols étaient à ma droite. Ils ont commandé des huitres et des crevettes. Ça sent comme la mer, mais pas dans le bon sens.
La salle de concert, Curtis, est en face de moi. La signe de naissance de Vincent Perischetti, un pianiste de Philadelphia, est là.
La sirène de voiture de police résonne. Je peux aussi distinguer le son d’un chanteur dans le parc. Je pense qu’il chante quelque chose de Coldplay, mais je n’en suis pas sûr.
Un peintre essaie de solder ses peintures près de parc (sans succès). Personne n’est intéressé. Ses peintures dépeignent le parc en différentes couleurs ; en rose, en vert et en bleu.
Je mange quelques frites. Le sel colle à mes doigts.
La pluie s’arrête après dix minutes.
Des parapluies ferment.
Passe un homme qui porte un t-shirt en tiedye. Pas un bon choix.
Une poussette.
Une paquette des cigarettes.
Deux femmes veulent entrer et demandent s’il y a une table libre à l’extérieur du café.
Passe un homme avec des tatous, un t-shirt de Harley Davidson et une cigarette dans sa bouche.
Passe un taxi vide.
Passe un taxi avec un homme.
Je peux voir l’intérieur de salle de concert. Les grands chandeliers sont visibles par les grandes fenêtres. La façade de salle de concert est couverte avec des sculptures, des gravures des chérubins, des femmes nuées, des plantes.
Un Toyota en noir est garé dans la rue.
Passe un camion avec le titre « Samuels and Son Seafood Co. »
Passe un 12. Les publicités de PECO décorent les côtés du bus.
Passe un taxi numéro P-10973.
Qu’est ce qui déclenche tous ses mouvements ? Les micro-évènements qui se passent tous au même moment ? Pourquoi mon attention est-elle attirée sur cet objet et non sur celui et cette personne et non sur celui-là ?
Je pense que je reconnais quelqu’un de mon cours de yoga la semaine dernière.
Leger changement de luminosité.
(Fatigue)
La serveuse me demande si je voudrais prendre quelques choses d’autre.
La rue est sale. Le soleil s’est caché. Il y a de vent.
Il y a beaucoup d’enfants qui passent.
Une voiture blanc, gris, noir et bleue.
Le café devient plus vide.
La rue en face de moi s’appelle Mozart.
Il y a toujours un mouvement ; un passant, une voiture, une photo prise.
Est- ce que le mouvement aléatoire vraiment existe?
Un vélo.
Un chien.
La pluie recommence.
Des amies parlent. Une amie tient son bébé dans ses bras. Elles discutent leurs emplois et leurs maries.
Passe un homme avec un valise.
Une cigarette tombe sur le trottoir.
Je n’écris pas pour quinze minutes.
Instants de vide.
Il est cinq heures d’après-midi.
Une dame entre dans la salle de concert. Un oiseau vient de se poser sur le rebord de la salle.
Le chien me regarde avec des yeux fixes. Qu’est-ce qu’il pense ?
Un petit rayon de soleil. Un petit oiseau. Des voix. Deux enfants. Un taxi passe. Il est six heures.